Le Cameroun possède lâun des premiers réservoirs dâeau souterraine et dâeau de surface en Afrique selon la FAO. Dans le pays, le nom de lâessentiel des départements administratifs est en général celui du cours dâeau qui lâarrose.
Pire, la connexion au réseau nâest pas synonyme de lâarrivée régulière de lâeau potable dans les foyers. Dans la capitale politique Yaoundé par exemple, seuls 10 000 m3 dâeau étaient disponibles pour les populations en 2011 sur un besoin total estimé à 250 000 m3 dâeau par jour. La question est donc de savoir ce qui cause ce déficit et ce quâil convient de faire.
La première cause est la gestion patrimoniale de la défunte Société Nationale des Eaux du Cameroun (SNEC) créée en 1967. De 1977 à 2002, soit 25 ans, cette société avait été abandonnée à un patriarche encore appelé « cheveux blancs » qui nâavait pas brillé par une gestion rigoureuse. Par conséquent, la société avait été mise sous administration provisoire le 2 mai 2002 dans le but de faire son redressement. Cela fut aussi un échec qui se solda par sa privatisation. Depuis lors, le partenariat public-privé en cours cherche à rattraper 30 ans de mauvaise gouvernance dans la production et la distribution de lâeau au Cameroun. Cela passe par la rationalisation des dépenses, la sécurisation des recettes et lâamélioration des mécanismes de transparence autour de la gestion des portefeuilles afin dâassurer le respect des cahiers de charge.
La deuxième cause est la vétusté des équipements qui engendre des pertes substantielles dâeau en qualité et en quantité. En effet, beaucoup dâeau disparaît dans le circuit de distribution à cause des fuites. Pire, les pannes sont légions dans les unités de production vétustes. Le complexe de Japoma dans la capitale économique Douala date de 1954. Au complexe de Massoumbou mis en service dans les années 1980, seuls 65 000 m3 étaient produits par jour sur les 115 000 m3 par jour escomptés en 2011 à cause dâune fréquence de pannes des machines de lâordre de deux fois par mois. La pénurie dâeau au Cameroun est due à un déficit dâinvestissements lourds dans les infrastructures depuis les années dâindépendance en 1960. Pour résoudre ce problème, le gouvernement camerounais avait opté en 2005 pour une solution administrative à savoir la séparation de la construction des infrastructures (Cameroon Water Utilities Corporation, Camwater) de la production et de la commercialisation (Camerounaise Des Eaux, CDE) sans apporter pour autant une solution à la question de financement. Il est besoin dâinvestisseurs privés qui viendront investir massivement dans la construction de nouvelles stations de traitement des eaux, le renouvellement des équipements, des conduites, des branchements existant en vue de sécuriser lâalimentation en eau potable. Des efforts sont en cours mais, lâeau du robinet sâappelle toujours « fanta » en référence à sa couleur jaunâtre.
La troisième cause est la centralisation de la production et de la distribution de lâeau. Cela crée une espèce de monopole qui dessert la cause de la démocratisation de lâaccès à lâeau au Cameroun et annihile les incitations à lâamélioration de la gestion et de la gouvernance. Il convient de décentraliser la gestion de lâeau et de la placer sous la responsabilité des communes. Mieux, une politique incitative devrait être mise sur pied pour encourager les initiatives privées allant dans le sens de la multiplication des constructions de forages et autres châteaux de moindre envergure pouvant permettre de juguler les déficits au niveau local.
La quatrième cause est le manque de dynamisme dans lâaction commerciale. En 2009, le Cameroun ne comptait que 282 000 abonnés dans 105 centres restés statiques depuis 1995. Pire, le service après-vente nâest pas fonctionnel dans la mesure où les interventions sur le terrain manquent de promptitude, ce qui engendre des pertes énormes dans le circuit de distribution. Il convient dâintensifier les campagnes de branchements des particuliers en vue dâaugmenter le nombre dâabonnés et dâassurer la rationalisation de la distribution de lâeau selon un planning alternatif connu en vue de garantir le minimum à tous. Il convient surtout de renforcer le service après-vente afin de limiter les pertes dâeau au niveau des tuyaux cassés dans le réseau.
Sur le plan de la gestion des ressources humaines, le personnel était démotivé. Il nây avait plus de prime de productivité, les avancements et reclassements étaient gelés. Cette situation regrettable conduisait à des pertes en productivité et à la montée des mouvements dâhumeur gangrenant le fonctionnement de lâentreprise. Des efforts sont en cours pour restaurer un climat social favorable au travail aussi bien à la CDE quâà la Camwater.
Le dernier problème est celui de lâaménagement territorial au Cameroun. Il est difficile de faire un schéma directeur de lâhydraulique en absence dâun plan directeur national. Il est difficile aujourdâhui de faire une adéquation entre la demande et lâoffre. Le troisième recensement général de la population et de lâhabitat depuis lâindépendance en 1960 avait eu lieu en novembre 2005, plus de 18 ans après le deuxième effectué en avril 1987. Dans un tel contexte, il était difficile de faire la planification. Il est à espérer que lâaboutissement du projet Sanaga (convention du 29 janvier 2015 entre le Cameroun et Eximbank-China de 400 milliards de FCFA) viendra réduire considérablement le déficit en eau à Yaoundé.
Pour conclure, il est judicieux dâindiquer que des efforts sont en cours avec lâaide des bailleurs de fonds. Mais, ces efforts sont en retard et restent insuffisants dans la mesure où le problème est structurel.
Par Louis-Marie Kakdeu, PhD & MPA